quinta-feira, 24 de abril de 2014

Entretien avec l’avocat et ancien député Luiz Eduardo Greenhalgh par Marilza de Melo Foucher à l’occasion de l’anniversaire des 50 ans du coup d'Etat militaire au Brésil


Il est impossible de dissocier ce brillant avocat brésilien de la conquête des droits démocratiques de la République au Brésil. Il a été un combattant inlassable de l’état de droit, ardent défenseur de cette jeune démocratie. Il a assuré tout au long de ces années la défense des dirigeants politiques et syndicaux qui ont été persécutés, emprisonnés, torturés et de beaucoup de disparus. Luiz Eduardo Greenhalgh a participé à la fondation du comité Brésil Amnistie. Il a été également l'un des coordinateurs du projet "Brasil Nunca Mais" pour dénoncer tous les crimes commis pendant la dictature. Il a été adjoint au maire de la ville de São Paulo (1989-1993) dans le gouvernement de Erundina Luiza de Souza. Il a été pendant quatre mandats député fédéral de l'état de São Paulo.

1. A l’occasion de ces 50 ans du coup d'Etat militaire, comment analysez-vous aujourd'hui le processus de démocratisation au Brésil?

Je vois le processus de démocratisation du Brésil comme très sinueux. Avec des progrès et des reculs. Des progrès dans le développement social et des reculs dans la conscience sociale de la population. Des exemples de ce recul: le résultat du référendum sur le statut de désarmement, les propositions insistantes de réduire l'âge de la responsabilité pénale et l'augmentation du nombre de citoyens favorables à la peine de mort. L'impression que j'ai, en ce moment, est qu’il souffle sur le Brésil un vent conservateur, voire réactionnaire.

2. Tout au long de ces années le processus de démocratisation au Brésil a-t’il forgé un état de droit?

Le processus de démocratisation que nous avons au Brésil a forgé un état de droit avec des institutions en crise, avec pour résultat une distorsion de ces fonctions. Un exemple : Le pouvoir judiciaire légifère sur des questions fondamentales, usurpant en quelque sorte, la fonction constitutionnelle et normale du pouvoir législatif. Cela se fait par des actions judiciaires en inconstitutionnalité. À mon avis, cette inversion des rôles est en augmentation au Brésil, avec la politisation du judicaire et la judiciarisation de la politique. En outre, l'exécutif a exacerbé les obstacles juridiques qui finissent par éclipser ses actions et les rendre de plus en plus dépendants d'arrangements avec le législatif et le judiciaire. Malgré ces distorsions, nous construisons un Etat de droit avec l'augmentation de la reconnaissance des droits des exclus, des femmes, des enfants, des Noirs, des Indiens, des homosexuels, etc... . En ce sens, il y a effectivement, par le gouvernement brésilien une plus grande préoccupation de la légitimité des droits de ces populations.

3. Votre biographie est liée à la défense des disparus pendant la dictature militaire. Pourquoi aujourd'hui les militaires ne permet-t’il pas l'accès à leurs archives?


En ce qui concerne la question des personnes disparues il faut noter les particularités du processus brésilien. En premier, l’amnistie qui a été conquise sous le régime militaire  (28 Août 1979). Ainsi, si d'un côté l'amnistie a été une conquête démocratique, résultat d'une lutte concrète des secteurs actifs contre la dictature militaire (avocats, famille, journalistes,  artistes,  intellectuels,  étudiants, travailleurs, religieux, etc.), D'autre part, le fait qu'elle ait été adoptée pendant la durée du régime, a permis à l'armée la possibilité d'inclure dans la loi d'amnistie un article a leur bénéfice, permettre l'amnistie de ceux qui ont commis des crimes liés à des crimes politiques. Cela équivaut à une auto Amnesty. Et ainsi échapper à la responsabilité des tortionnaires et des assassins  membres de l’appareil répression militaro-policier du régime. 

Cependant, comme nous le savons, la disparition forcée de personnes est un crime permanent et ne cesse que lorsque la personne est retrouvée ou son cadavre. Pendant ce temps aucune prescription ne court. D'autre part, la torture est un crime imprescriptible non susceptible d’amnistie, de grâce par la constitution fédérale elle-même. 

Ainsi, il en résulte que les responsables de la torture, des meurtres et des disparitions des persécutions politiques pendant le régime militaire ne sont pas exemptés de poursuites pénales et l’Union Fédérale de procédure civile, action déclaratoire et de dommages-intérêts et indemnités. C'est pourquoi les militaires s’efforcent de dissimuler des informations sur leurs responsabilités dans cette période.

4. Pourquoi aucun évènement n’est organisé pour célébrer la démocratie et  réaffirmer: « la dictature plus jamais » ! Aujourd'hui, nous assistons au retour en force de l'aile droite réactionnaire occupant la rue par des manifestations. Existe-t-il  un risque de coup d'Etat au Brésil?

Je pense qu'il n'y a pas un événement national pour célébrer la démocratie brésilienne, car elle n'a pas été conquise à un moment précis. Elle a été conquise progressivement. Premièrement l’amnistie, suivie par l’assemblée nationale constituante, la réorganisation du parti. Puis les élections directes jusqu'à permettre d'élire comme président un ouvrier et une ancienne prisonnière politique. Malgré de mon point de vue une avancée  du conservatisme réactionnaire au Brésil (d'ailleurs, phénomène également de plus en plus à international), et même si il n’y a pas d’espace pour une célébration du type « la dictature plus jamais » il n'y a pas d’espace, aujourd’hui, pour un nouveau coup d'Etat militaire. Bien que la droite réactionnaire occupe l’espace public avec ses manifestations. C'est inquiétant, mais je crois qu’en ce moment la droite réactionnaire accumule des forces. 

Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de risque de coup d'état au Brésil. Il suffit de regarder l'histoire du Brésil pour voir que nous sommes marqués par les coups d’états. Nous devons donc aller de l'avant avec un œil sur les avancées démocratiques et un autre sur les dérives autoritaires qui menacent la démocratie.

5. Quel message voudriez-vous donner à la génération qui est né après 1964 ?


 Le message que j’essaye de passer à la génération post 64 est de ne pas oublier ce que nous avons vécu de 64 a 85.

Je suis impressionné par la profonde méconnaissance de la dictature militaire par la nouvelle génération. La méconnaissance peut souvent amener à des désengagements avec l’histoire.  

C’est pourquoi, je cherche toujours à faire des conférences, où je rappelle des épisodes, critique la Loi de Sécurité Nationale, je parle du mouvement pour l’amnistie, des témoignages sur la torture, les meurtres et les disparus politique. Avec la conviction que rappeler c’est vivre, vivre c’est apprendre et apprendre c’est ne pas oublier. 

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