Entretien
avec Pedro Freitas coordinateur du « Mouvement Soulèvement
Populaire de la jeunesse pour la justice et la vérité » à São Paulo.
Marilza de
Melo Foucher
Votre génération n'a jamais
étudié dans les écoles, dans les collèges la véritable histoire de la dictature
au Brésil.
Pourquoi avez-vous créé le
mouvement «Soulèvement populaire pour la justice et la vérité »?
Le
mouvement est né dans l’’Etat de Rio Grande do Sul en 2006, mais son
élargissement au plan national à pour origine
le campement national réalisé au
début de 2012. A cette occasion, le mouvement
a fait le constat que la lutte
pour la mémoire, la vérité et la justice n'était pas été défendu comme il se
doit par la gauche brésilienne. Les militaires faisaient pression sur le
gouvernement fédéral et la grande presse
les soutenait. La liste des candidatures à la Commission Nationale
de la vérité trainait. Nous en avons conclus que des actions étaient nécessaires pour assurer
l'installation de la
Commission nationale pour la vérité.
C'est
ainsi que le mouvement a commencé à faire campagne pour
la mémoire, la vérité et la justice. Inspiré par les manifestations ciblées pour dénoncer l’impunité des tortionnaires menées
dans d'autres pays d'Amérique latine, avec qui nous avons beaucoup à apprendre,
nous avons réussi à organiser une journée nationale appelés des « escrachos »ou
« esculachos » pour
démasquer les tortionnaires et dénoncer l'impunité des crimes de la
dictature. La méthode a permis de donner
une visibilité à la lutte.
La démocratie brésilienne est
presque aussi jeune que vous ... Pourquoi n’y a-t’il pas une grande commémoration au Brésil pour fêter
la démocratie et dire une fois pour toutes la dictature plus jamais?
Le
processus de transition de la dictature à la démocratie au Brésil a été conçu
par l'armée pour être lent, progressif et sûre. Ainsi, il n’y a pas eu de
rupture brutale de la société pour parvenir à la démocratie. Cette
façon d’organiser la transition démocratique se reflète jusqu’au aujourd'hui
dans le pays par certains comportements. Si les militaires dans les années 1960
et 1970 n'ont jamais été puni pour leurs crimes de persécution, de torture et
de meurtre aujourd'hui, un policier militaire (PM) agit encore avec la logique de la lutte contre un ennemi interne.
Un PM qui torture et tue tous les jours les jeunes noire et pauvre à la
périphérie des grandes villes. En outre, le système politique d’aujourd'hui a
conservé l'influence des grands propriétaires ruraux, des entrepreneurs et des
quelques familles qui contrôlent les moyens de communication de masse, et ils
continuent sans donner la possibilité de participer au peuple brésilien. Ces questions nous amènent à
considérer que la démocratie que nous avons aujourd'hui est profondément
marquée par la période de la dictature, de sorte que la lutte pour la mémoire,
la vérité et la justice est à l'ordre du jour car il y a de nombreux problèmes non
résolus. L'absence de rupture, le rôle des grands médias, la continuité de
ce système politique expliquent pourquoi cette date n’est pas un événement
national.
Vous êtes en train de contribuer à la construction de
l'histoire politique qui a créé un vide politique et culturel depuis des
décennies. Il a eu l’exil des artistes, écrivains, cinéastes, chanteurs, des
politiques. Beaucoup voix réduites au silence, une génération toute entière qui
simplement clamait pour la justice sociale. Que pouvez-vous faire pour obtenir
une meilleure adhésion des jeunes Brésiliens à ce mouvement?
Le
Mouvement Populaire de la Jeunesse est un mouvement
social autonome qui a pris naissance dans le Rio Grande do Sul en 2005 afin de
permettre l'organisation la jeunesse de la campagne et des villes, tant dans le milieu étudiant que
dans les périphéries urbaines, pour lutter pour un projet populaire pour le
Brésil. Il s'agit d'un mouvement organisé qui rassemble divers segments de la jeunesse dans des lieux
différents autour d'un projet de société, la lutte pour un changement
structurel au Brésil. Le mouvement est
organisé dans plus de vingt Etats du Brésil, aujourd'hui nous avons des groupes
organisés sur le terrain, nous sommes présents dans les écoles, dans les
quartiers, les universités et les d’autres établissements scolaires. Avec ce
travail, nous organisons des jeunes à l'éducation, l'agitation et la propagande.
Les combats pour la justice et vérité sont organisés dans chaque lieu, et c'est
ainsi que nous réussissons à mobiliser la
jeunesse.
Les médias au Brésil sont intéressés à cette forme de
protestation dans la défense des droits de l'homme?
Les grands
médias au Brésil sont contrôlés par quelques familles. Ces médias ont soutenu
le régime militaire et ont été de connivence avec les crimes de la dictature. Ceux qui
s'opposaient ont été censurées. La lutte pour la démocratisation des moyens de
communication a été menée par notre mouvement en 2013, car les grands médias ont été les principaux
modes de transmission de la pensée conservatrice dans le pays, avec une grande
influence sur la population.
La tentative de
criminalisation des mouvements sociaux est constante et la couverture des actions pour la défense des droits de l'homme
reste marginale, timide. L'éditorial apparu dans le journal « Fôlha de Sao
Paulo » du 30/03/2014 renforce l'idée d'une polarisation et d’une
confrontation entre deux parties opposées dans les années 1960 et 1970,
ignorant qu'il y avait une politique de terreur de l'État pour l'éliminer les opposants au régime.
La presse dite alternative a permis une bonne couverture aux manifestations pour la défense des droits de l'homme.
Quel message voulez-vous passer à ces jeunes brésiliens pour ces 50 ans du coup d'État militaire?
Le
coup d'État militaro-civil en 1964
a interrompu un processus de réformes structurelles
nécessaires jusqu’à aujourd’hui au Brésil. Avec le coup d’État a commencé une
longue période de persécution politique et de répression brutale, qui a
grandement affecté la jeunesse brésilienne. Les jeunes ont joué un rôle important
durant cette période, de sorte que l'une des premières actions du régime
militaire a été de brûler le bâtiment de
l'Union nationale des étudiants à Rio de Janeiro, compte tenu de la menace que
représentait l'organisation de jeunesse
pour le régime. La jeunesse a s’est organisée, a participé au le mouvement de
contestation, certains à la lutte armée,
tous ont été persécutés. Beaucoup ont été torturés, tués et ont laissé leurs
familles dans la détresse. Jusqu’à
présent les familles attendent la justice
contre les criminels militaires qui restent dans l’impunité. La jeunesse
d'aujourd'hui doit beaucoup à la jeunesse des années 1960 et 1970. Il est
regrettable qu’il existe toujours la culture de l’autoritarisme, de la
répression de cette période qui se manifeste encore aujourd’hui chez la police
militaire et qui affecte directement la vie de la jeunesse brésilienne. Le
système politique et sa législation n’ont pas tellement évolué. Il est
essentiel de comprendre que seule la jeunesse organisée et la pression sociale peut
faire, bouger les choses. C'est ainsi que nous pouvons atteindre le but de notre
démarche, réussir à faire pression pour une autre assemblée constituante pour
réformer le système politique, pour punir les auteurs d'hier et aujourd'hui.
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